À propos de la Chronique de Nuremberg ou Liber Chronicarum, 1493
Dans la deuxième partie de son roman, Le Crime de Sylvestre Bonnard,
l'histoire charmante d'un vieux bibliophile, Anatole France introduit
une scène étrange où le vieillard à la vision d'une fée vêtue d'un
costume médiéval assise sur un volume de la Chronique de Nuremberg.
L'apparition combinée de cette créature magique et d'un ouvrage
allemand du XVe siècle m'a fait me demander si le but de l'auteur
n'était pas d'amener son lecteur à penser à Faust, car, si l'on y
réfléchit bien, Sylvestre Bonnard peut apparaître comme une sorte de
double positif, angélique, de ce personnage mythique. Pour en avoir le
cœur net, j'ai voulu en savoir plus sur la Chronique.
La Chronique est dite "de Nuremberg" car publiée dans cette ville, tout comme le fut le premier récit de Faust, Historia von D. Johann Fausten, près d'un siècle plus tard, en 1587. Le Liber Chronicarum est une sorte d'encyclopédie, de concentré des connaissances de l'époque. Le titre exact en est "Registre du Livre des chroniques et des histoires avec figures et des illustrations depuis le commencement du monde à nos jours".
Publiée dès l'origine en deux langues, latin et allemand, elle vaut
aussi pour la série de gravures sur bois qui l'illustrent et par la
lumière qu'elle jette sur la conception du monde qui était celle d'un
érudit humaniste de la fin du XVe siècle.
La carte du monde
Le prospectus vantant l'ouvrage disait :
Très cher lecteur, un grand événement vient de se produire, que l'on
se place du point de vue de la paix générale dans le monde ou de
l'instruction des hommes. Car rien jusqu'alors n'a vu le jour qui n'ait
apporté aux hommes érudits et cultivés un plus grand et riche plaisir
que ce nouveau livre des Chroniques rempli d'illustrations de
personnages et de villes célèbres, et imprimé au frais de quelques
citoyens prestigieux de Nuremberg. Quand tu commenceras à le lire,
lecteur, tu seras à ce point passionné, je peux te le promettre, que tu
auras l'impression non pas d'être le lecteur des événements survenus à
toutes ces époques, mais d'en être le témoin direct….
[…]
Prends ton essor, O Livre, et envole-toi dans les airs ;
On n'imprima jamais rien qui te soit comparable.
[…]
Allons ! Parcours rapidement la Terre entière et viens
Tranquillement terminer ta courses entre des mains érudites.
Venise (détail)
Les éditions Taschen ont publié, en 2006, un fac-similé que l'on peut
procurer pour une somme relativement modique si l'on considère la
qualité de l'ensemble.
En lisant le livret explicatif en français qui accompagne le fac-similé,
on découvre qu'il y a bien un rapport avec Faust. On s'était toujours
demandé pourquoi le périple du docteur Faustus était si illogique du
point de vue géographique, de Trêves à Paris, puis Mayence, et Naples...
jusqu'à ce que l'on se rende compte que l'itinéraire de Faust suivait
en fait l'ordre dans lequel les villes apparaissent dans la Chronique. L'auteur du Faust s'est servi de la Chronique pour enrichir son texte.
Le septième jour de la création